Communiqués, presse - Communiqués LDH36

Fusillés pour l'exemple  

140 000 militaires français
n’ont pas eu droit à la mention « mort pour la France »

La Grande Guerre fut une tragédie d’une brutalité sans mesure, pour tout un continent et au-delà.

1,4 millions de soldats français sont morts dans cette tragédie absurde. Parmi eux, 140 000 militaires français n’ont pas eu droit à la mention « mort pour la France ». Ce sont les quelques 639 fusillés pour l’exemple mais également, plus nombreux, les soldats fusillés sans condamnation judiciaire. 2 000 autres condamnations à mort ont été commuées en peines de travaux forcés, c’est-à-dire à la déportation judiciaire dans les colonies, dont de nombreux soldats ne sont jamais revenus ; tous comme d’autres, qui ont été condamnés directement à ces peines. En outre, surtout en 1917, des « mauvais sujets » (près de 2000 hommes ?) ont été prélevés au sein des régiments « mutinés », et victimes, sans jugement, de déportation dans les colonies. D’autres soldats, tout au long de la guerre, ont été victimes d’exécutions sommaires, qui paraissent particulièrement nombreuses parmi les étrangers engagés volontaires et les troupes coloniales.

La LDH s’est mobilisée pendant la guerre et durant des décennies, contre les cours martiales et tous les actes arbitraires, pour la réhabilitation des victimes des tribunaux militaires. Cela a constitué son deuxième grand combat historique après celui pour la réhabilitation de Dreyfus. Elle a obtenu, avant la fin de la guerre et surtout après, entre 1919 et 1935, des réhabilitations par des annulations des condamnations en appel ou en cassation, le vote de cinq lois qui ont permis des amnisties et l’installation d’une cour spéciale de révision qui a pu lever des condamnations symboliques comme celle de l’instituteur Théophile Maupas.

Aujourd’hui, l’idée qu’il faut réhabiliter les fusillés pour l’exemple fait son chemin. Les polémiques suscitées lorsque le Premier ministre Jospin a soulevé cette question en 1998, semble faire place à un certain consensus. La LDH s’en réjouit. La question a été opportunément relancée ces dernières années, notamment grâce à la campagne menée depuis 2007 par la Libre Pensée. Mais ce combat n’est pas achevé, comme le montre le rejet au Sénat, en décembre 2012, d’une proposition de loi visant à"[rendre] justice à tous ceux, frères de combat, qui ont payé de leur personne ». Toutefois, selon le vœu présidentiel de novembre 2013, le Service historique de la Défense a rendu accessible à tous une base de données des militaires et civils fusillés en application d'une décision de la justice militaire ou exécutés sommairement durant la Première Guerre mondiale. Dans ce contexte, nous saluons l’ouvrage de Bruno Mascle, journaliste à la Nouvelle République pour son travail sur Abel Garçault

La LDH souhaite qu’on ne se limite pas à une minorité de cas et qu’on s’efforce d’établir les faits sur le plus grand nombre possible de ces injustices.

Au-delà de la reconnaissance politique pleine et entière de ce qui reste une honte pour l’armée française, la LDH demande qu’une commission installée par une loi puisse préparer et transmettre à la Cour de Cassation un ensemble de cas en vue de la réhabilitation judiciaire de chacun, qui implique l’annulation des condamnations, sans nouveau jugement. Ce que ne pourraient faire ni la grâce, qui dispense seulement de l’exécution de la peine, ni une loi d’amnistie, qui n’efface pas la condamnation. Cela seul peut assurer une véritable réhabilitation, permettre l’inscription « mort pour la France » sur les registres d’état-civil, et encourager, si cela n’a pas encore été fait, celle de leur nom sur les monuments aux morts. Car ces hommes, victimes d’une injustice sans nom, ont combattu dans une guerre à laquelle l’ensemble de la société française a consenti.

LdH — Ligue des droits de l’Homme
Section de Châteauroux et Indre
Maison des Associations
34 espace Mendès-France 36000 Châteauroux
tél. 02.54.60.16.24

Publié le 18/01/2015 17:15   |